Rétention des talents dans la finance : chiffres clés, stratégies et perspectives

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30/04/25 09:36
Rétention des talents dans la finance : chiffres clés, stratégies et perspectives
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Le secteur financier est confronté à un défi de taille : attirer et retenir les talents dans un contexte de profondes mutations, telles que la digitalisation, la montée de l'intelligence artificielle, l'évolution des réglementations et les nouvelles attentes des employés en matière de flexibilité, d'équilibre vie professionnelle-vie personnelle et de sens au travail.

Pour y faire face, les entreprises doivent adopter une approche globale, combinant des stratégies de gestion des ressources humaines innovantes et une culture d'entreprise adaptée aux nouvelles générations.

Le BankTech Day, organisé par le Pôle de compétitivité mondial Finance Innovation, est un événement dédié à l'écosystème bancaire. Lors de l'édition 2024, une table ronde a rassemblé des personnalités influentes du secteur financier pour discuter des défis liés à l'attractivité et à la rétention des talents. Parmi les intervenants figuraient Corinne Oremus, Vendôme Associés, Cécile Joly, CEO de Kls, Arbia Smiti, CEO de Rosaly, Marie Thieffry, Directrice des Ressources Humaines chez Nickel, Chloé Clair, CEO de NamR, et Grégoire Villiaume, Managing Director chez ING.

Cet article s'inspire des discussions tenues lors de la table ronde du BankTech Day 2024 et intègre des données clés issues de l'étude sur l'attractivité du secteur bancaire et le rôle de la RSE, réalisée par La Manane pour l'Observatoire des métiers de la Banque en avril 2023.

Les défis de l'attractivité et de la rétention

  • Baisse des effectifs : Entre 2012 et 2020, le secteur bancaire a enregistré une diminution annuelle moyenne de ses effectifs d'environ 1,5 %, tendance qui s'est accentuée lors de la crise sanitaire, atteignant une baisse de 2,9 % entre 2019 et 2020. Cette réduction s'explique par plusieurs facteurs, notamment la fermeture d'agences, la non-remplacement de certains départs et la mise en place de plans de départs volontaires. La crise sanitaire a également contribué à cette baisse, en ralentissant les recrutements et les mobilités internes en raison des confinements et de l'incertitude économique.
  • Concurrence accrue : Les banques sont en concurrence avec les startups et les fintech pour attirer les talents. Les candidats ont plusieurs options avant de choisir leur voie, ce qui complexifie le recrutement. “Le marché est désormais un marché de candidats, leur offrant de multiples opportunités avant de choisir leur prochain poste, complexifiant ainsi la tâche des recruteurs.” (0:33, Corinne Oremus, Vendôme Associés)
  • Image du secteur : Malgré des atouts comme la sécurité de l'emploi et la rémunération, le secteur bancaire souffre de stéréotypes et d'une image parfois négative, notamment depuis la crise de 2008.

Les aspirations des talents

  • Le sens et l'impact : 6 cadres sur 10 déclarent que leur plus grande fierté serait d'avoir été utiles et d'avoir apporté des changements positifs à la société. Les jeunes talents ne se contentent plus du "greenwashing" et recherchent un impact réel et une transparence quant à la trajectoire des entreprises. Ils veulent participer activement à la construction d'un avenir plus durable quelque soit le secteur d’activité. “Les jeunes générations valorisent des entreprises qui non seulement affichent une trajectoire verte, mais permettent aussi à leurs employés de contribuer activement à cette transformation.” (4:23, Chloé Clair, Namr)
  • Equilibre vie pro/vie perso: Près de 40% des jeunes diplômés en commerce privilégient l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
  • Flexibilité : La flexibilité est un maître mot pour les nouvelles générations. Cela concerne aussi bien les horaires, le lieu de travail que la rémunération.
  • Défi intellectuel : Les jeunes diplômés, notamment dans les filières d'ingénierie, valorisent les défis intellectuels et un travail stimulant. L'ennui est l'une des principales causes de départ des employés.
  • Rémunération : La rémunération reste un facteur clé, cependant, elle n'est pas le seul critère. Un package complet est essentiel, incluant avantages sociaux, opportunités de développement, et sens du travail.

Stratégies de rétention : les leviers à actionner

  • Culture d'entreprise et RSE : Une culture d'entreprise forte, axée sur des valeurs sociales, est un atout majeur. L'engagement concret sur des sujets sociétaux renforce l'engagement des collaborateurs et leur fidélisation. 93% des cadres sont prêts à s'engager dans des actions sociales ou environnementales mis en place par leur entreprise.
  • Marque employeur : Les entreprises doivent miser sur une marque employeur forte.
  • Onboarding et accompagnement : Un onboarding réussi est essentiel pour favoriser l'engagement des nouveaux employés. Le fait de consacrer du temps à l’intégration des nouveaux employés permet de les mettre à l'aise et d'éviter qu'ils ne perdent du temps à cause de problèmes qu'ils n'osent pas évoquer.
  • Outils digitaux et innovation : Proposer aux collaborateurs des outils digitaux performants, co-conçus avec eux, permettant d'améliorer leur efficacité et l’intérêt de leur mission est un élément majeure dans la motivation des employés. L'innovation et la capacité à intégrer la technologie dans les process métiers sont donc cruciales pour capter et fidéliser des collaborateurs de qualité de la nouvelle génération.
  • Mobilité et développement des compétences : Les entreprises doivent favoriser la mobilité interne, avec des parcours de carrière clairs et des opportunités de développement. Les missions de courte durée dans d'autres équipes ou à l'international sont très appréciées par les jeunes talents. “Des missions de courte durée dans d’autres géographies ou départements enrichissent les perspectives des employés, comme des juniors envoyés à Singapour ou à Londres pour des projets spécifiques.” (11:27, Gregoire Villiaume, ING)
  • Autonomie et responsabilisation : Une structure organisationnelle plus plate, avec une plus grande autonomie et visibilité pour les juniors, est un facteur d'engagement important. Donner des responsabilités rapidement aux employés est aussi un facteur clé.
  • Feedback et reconnaissance : Les employés ont besoin de retours réguliers et de reconnaissance pour leurs contributions. Des outils de suivi réguliers peuvent aider à évaluer leur motivation et leur bien-être.

Le rôle crucial du management

  • Adaptation aux nouvelles générations : Les managers doivent s'adapter aux attentes des nouvelles générations en adoptant un style de management plus horizontal et participatif. L'écoute et la prise en compte des avis des collaborateurs sont essentielles. “Les pratiques managériales doivent inclure une approche plus horizontale, permettant aux collaborateurs d’être contributeurs tout en suivant un cap stratégique clair.” (40:01, Cécile Joly, Kls)
  • Pratiques managériales : Les pratiques managériales sont un élément déterminant dans la fidélisation des talents. Les entreprises doivent investir dans la formation des managers pour qu'ils puissent accompagner au mieux leurs équipes. Il est important que les managers comprennent l'importance du feedback et de la reconnaissance.

Initiatives innovantes pour la rétention

  • Communautés d'alumni : La création de communautés d'anciens employés est un moyen efficace de maintenir le contact avec les talents et de favoriser le networking. Ces communautés peuvent servir de vivier de recrutement et de relais pour l'entreprise.
  • L’intrapreneuriat : Il se positionne comme un levier différenciant pour renforcer la rétention au sein des entreprises. En structurant des dispositifs permettant aux collaborateurs de porter des projets innovants en interne, les organisations répondent à une double attente : donner du sens et offrir des perspectives d’évolution concrètes à leurs profils à haut potentiel. Cette approche favorise l’engagement durable, valorise l’initiative individuelle et réduit les risques de départ vers l’entrepreneuriat externe.
  • L'importance de la RSE : Les entreprises doivent prendre la parole sur les thèmes du réchauffement climatique, de la santé et la sécurité au travail et des discriminations, qui concentrent l’attention. Les entreprises doivent aussi apporter des preuves concrètes d’un engagement fort là où il semble le plus attendu : l’investissement responsable et sa contribution à la décarbonation de l’économie devraient être valorisés.

Conclusion

La rétention des talents dans la finance exige une approche multidimensionnelle, qui tient compte des aspirations des employés, des évolutions du marché du travail et des défis propres au secteur. En misant sur une culture d'entreprise forte, des outils innovants, un management adapté et une réelle prise en compte des enjeux sociétaux, les entreprises peuvent construire des équipes engagées, performantes et fidèles. L’engagement social et environnemental est un levier de fidélisation fort à activer en particulier pour les cadres.

Références :

Le replay de la table ronde : https://www.youtube.com/watch?v=DD-UlfzvB1o

L’étude complète : https://observatoire-metiers-banque.fr/wp-content/uploads/2023/04/ETUDEATTRAC.pdf